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Valorisation interne EDB

04 juillet 2018

Jean-Louis Hemptinne, Alexandra Magro, Etienne Danchin

Chaque automne, des centaines de coccinelles de l’espèce Hippodamia undecimnotata effectuent des vols de migration pour se rassembler sur des promontoires de leur aire naturelle de distribution, du sud-ouest de la France à l’Asie. Elles y resteront jusqu’à la fin du printemps. Certains sites de rassemblement en Aveyron sont connus depuis plus de cent ans, car ils furent déjà décrits par le célèbre entomologiste, Jean-Henri Fabre. Pourquoi un tel comportement a-t-il évolué ? Contrairement à l’idée communément admise, des chercheurs du Laboratoire Évolution & Diversité Biologique (EDB, CNRS/Université Toulouse III/IRD) ont démontré que ces promontoires étaient des lieux de rendez-vous et d’accouplement des coccinelles. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Plos ONE, le 13 juin 2018.

 

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Hippodamia undecimnotata est un prédateur de pucerons. Au printemps et en été, ces coccinelles se nourrissent essentiellement des pucerons des légumineuses. Les femelles pondent chaque jour une trentaine d’œufs à proximité de colonies de pucerons. Des œufs vont éclore des larves qui consommeront les pucerons qu’elles rencontreront à proximité de la colonie qui les a vus naitre. Comme les autres coccinelles prédatrices de pucerons, l’espèce Hippodamia a tendance à distribuer ses œufs entre de nombreuses colonies de proies, comportement qui a évolué, car il réduit les risques de cannibalisme entre les larves. De ce fait, les coccinelles ont tendance à être dispersées dans les habitats où elles rencontrent leurs proies préférentielles. En automne, les coccinelles quittent ces habitats et migrent vers des promontoires dont certains sont visités chaque année depuis plus d’un siècle. Elles y forment des agrégations de plusieurs centaines d’individus. Pendant longtemps, on pensait que les promontoires offraient des conditions favorables pour surmonter les rigueurs de l’hiver. Or, les observations montrent que la mortalité y est parfois très importante. De plus, une migration est toujours une aventure hasardeuse qui consomme beaucoup de ressources métaboliques. Pour les entreprendre et se diriger vers des sites où les chances de survie ne sont pas forcément garanties, il faut donc une très bonne raison. Les chercheurs ont donc posé l’hypothèse que les promontoires étaient des lieux de rendez-vous où se rencontrent les coccinelles femelles et mâles.

Pour démontrer leur hypothèse, les scientifiques ont récolté des coccinelles dans trois sites de rassemblement en Haute-Garonne, Tarn et Aveyron au cours de deux hivers successifs. Ils ont évalué l’état des organes reproducteurs des coccinelles en comptant les spermatozoïdes viables dans les organes de stockage de celles-ci. Ils ont également évalué l’état de développement des ovaires. Enfin, en se rendant périodiquement sur les promontoires, ils ont voulu savoir si les coccinelles s’accouplaient au cours de l’hiver.

Les chercheurs ont constaté que les mâles produisaient de nombreux spermatozoïdes viables en hiver. Les femelles n’étaient pas fécondées à leur arrivée. En mars ou avril, selon les sites, de nombreuses coccinelles s’accouplaient si bien que toutes les femelles étaient fécondées au moment de quitter les promontoires. Cependant, aucune n’avait les ovaires suffisamment développés pour pouvoir pondre. Ces résultats suggèrent que la recherche d’un partenaire sexuel serait le moteur de l’évolution des agrégations hivernales de cette espèce de coccinelles. Cette hypothèse est d’autant plus plausible que ces insectes se rencontrent peu en d’autres circonstances, car ils sont dispersés entre les colonies de pucerons. Les promontoires visités chaque année par Hippodamia undecimnotata sont donc probablement des endroits cruciaux pour la conservation de cette espèce de coccinelles ainsi que pour le service écologique de protection des cultures qu’accomplit celle-ci.

 

 

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Réference

Overwintering aggregations are part of Hippodamia undecimnotata’s (Coleoptera: Coccinellidae) mating system, Eline Catherine Susset, Jean-Louis Hemptinne, Etienne Danchin, Alexandra Magro, Plos ONE, 13 juin 2018.

Source EDB – Valorisation interne