La fragmentation des habitats, l'agriculture intensive, l'utilisation des pesticides et les changements climatiques induisent des modifications considérables de la faune et de la flore. Localement, l'abondance des espèces change, certaines espèces disparaissent, d'autres apparaissent, avec des conséquences potentiellement importantes sur les interactions biotiques telles que la pollinisation. La détection de ces changements et de leurs effets sur les réseaux de pollinisation nécessite la réalisation d'études à larges échelles spatio-temporelles et à des niveaux de résolution impossibles à obtenir avec les méthodes traditionnelles basées sur l'observation des visites des insectes aux fleurs ou l'identification visuelle des pollens sur le corps des insectes.
Dans cette étude et pour la première fois, les chercheurs ont utilisé des données moléculaires provenant du séquençage de l'ADN des pollens présents dans la charge pollinique de plus de 400 insectes capturés dans les Pyrénées, afin de construire des réseaux de pollinisation à diverses échelles :
- (i) entre groupes fonctionnels2 de plantes et de pollinisateurs,
- (ii) entre espèces,
- (iii) entre individus d'insectes et espèces de plantes.
Ils ont ensuite comparé les caractéristiques de ces réseaux avec celles des réseaux basés sur l'observation des visites.
Si à l’échelle des groupes fonctionnels plantes-pollinisateurs, les deux types de réseaux (observés et génétiques) sont similaires, en revanche d’importantes différences existent à l’échelle des espèces plantes-pollinisateurs : ainsi, les données génétiques révèlent une bien plus grande généralisation des espèces d’insectes que ne le montrent les observations visuelles. Par ailleurs, les individus, vrais acteurs de l’interaction, sont beaucoup plus spécialisés sur différentes taxa de plantes que ne le sont leurs propres espèces. Par conséquent, l'étude contribue à comprendre comment une espèce d’insecte visitant et transportant le pollen de plusieurs, voire de nombreuses espèces de plantes, assure pourtant efficacement leur pollinisation. En effet, la qualité du pollen déposé sur les organes femelles des fleurs par les insectes dépend de la spécialisation des individus et non de celle de l’espèce à laquelle ils appartiennent.
Comparée aux approches traditionnelles, le metabarcoding révèle de nouvelles interactions et ainsi, de nouveaux réseaux pour plusieurs raisons :
- (i) une meilleure résolution taxinomique du pollen,
- (ii) l'analyse de la charge pollinique totale de chaque insecte,
- (iii) l’inférence des visites sur une fenêtre temporelle plus large grâce à l’identification des pollens s'accumulant sur le corps des insectes au cours des visites,
- (iv) la présence sur les insectes de pollens de plantes visitées en dehors de l'aire d'observation;
- (v) une meilleure détection des interactions rares.
Le metabarcoding offre donc de nouvelles opportunités pour décrire plus finement des réseaux de pollinisation, de suivre leur dynamique dans le contexte des changements globaux et/ou dans l’objectif de sauvegarder ou de restaurer leur fonctionnement.