Les interactions plantes-pollinisateurs assurent la reproduction d’une majorité de plantes, et donc la pérennité des biomes2 , mais également la survie d’une multitude d’espèces animales, et tout particulièrement d’insectes. En effet, la pollinisation par les animaux est l’un des plus beaux exemples de mutualisme : les animaux sont nourris par les plantes qu’ils aident en contrepartie à se reproduire. Derrière cette réalité se cachent une variété de situations et une extrême complexité ! En premier lieu, il faut différencier les termes de visiteurs et pollinisateurs.
En effet, certains insectes visiteurs déposent peu ou pas de pollen sur le stigmate d’une fleur ou déposent du « mauvais » pollen provenant d’une autre espèce végétale. Ainsi, de mutualiste, l’interaction peut devenir parasite. De plus, si les plantes s’entre-aident souvent pour attirer les pollinisateurs dans la communauté, elles sont parfois en compétition pour leur service. Or, l’observation des visites des insectes aux fleurs, méthode de loin la plus utilisée pour décrire les réseaux, ne prend pas en compte cette diversité d’interactions. Par ailleurs, nombre d’insectes ne sont pas identifiables in situ. Enfin, il est impossible de connaitre leur comportement individuel. Une méthode beaucoup plus précise consiste à identifier morphologiquement et dénombrer les grains de pollen sur le corps des insectes et sur les stigmates. Mais surgissent d’autres difficultés comme le temps d’analyse, qui est très long et l’impossibilité de différencier à l’espèce les pollens de certaines plantes.
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé les méthodes de métabarcoding3 pour identifier et, pour la première fois à leur connaissance, quantifier les pollens sur le corps des insectes. L’analyse des charges polliniques de plusieurs centaines d’insectes capturés dans les Pyrénées révèle 2.5 fois plus d’espèces de plantes impliquées dans les interactions que la méthode conventionnelle d’observation des visites. De plus, ces méthodes rendent relativement bien compte de l’abondance de la charge pollinique des insectes et du nombre de visites reçues par une plante.
Les résultats de cette étude démontrent que la génomique environnementale est un moyen plus efficace et plus rapide que les méthodes conventionnelles pour détecter et, dans une certaine mesure, quantifier les interactions dans les réseaux de pollinisation. A terme, cette méthodologie permettra de beaucoup mieux décrire les réseaux de pollinisation, de prendre en compte les différentes facettes des interactions, ceci dans un plus grand nombre d’habitats et au cours du temps. Elle permettra aussi de caractériser les interactions entre les espèces de plantes qui se font via les pollinisateurs et ainsi, de mieux comprendre la structure et le fonctionnement des réseaux de pollinisation ainsi que les processus écologiques et évolutifs sous-jacents.
Dans un contexte de changements globaux, ces descriptions sont indispensables pour évaluer la capacité des écosystèmes à répondre au déclin parallèle des plantes et des pollinisateurs.