Changement climatique : quelles conséquences sur la survie du Lézard vivipare ?
Brève CNRS

02 novembre 2015

Julien Cote

S’il ne fait plus de doute que le réchauffement climatique impacte de nombreux êtres vivants certains y sont plus sensibles que d’autres. C’est par exemple le cas des reptiles dont la température corporelle dépend directement de celle de leur environnement. Pour la première fois, une équipe composée notamment de chercheurs de la Station d'écologie expérimentale du CNRS à Moulis (SEEM, CNRS) et du laboratoire Evolution et diversité biologique (EDB, CNRS/Université Toulouse 3 Paul Sabatier/ENFA) a étudié de manière expérimentale les conséquences d’un réchauffement de 2°C sur la survie du Lézard vivipare (Zootoca vivipara). Les scientifiques ont également voulu savoir dans quelle mesure ce reptile présent sur l’ensemble du territoire européen pouvait s’adapter à cette perturbation. Leurs travaux, publiés récemment dans les revues Plos Biology et Ecology Letters, révèlent que des populations de lézards vivipares pourraient disparaître rapidement suite à une telle élévation de température. Ils montrent par ailleurs que certains représentants de l’espèce seront capables d’y faire face en migrant vers des régions plus tempérées de leur aire de répartition.
 
 
 

Lézard vivipare © Elvire Bestion

 
 
Migrer ou se reproduire vite et mourir jeune : telle pourrait être la devise du Lézard vivipare face au changement climatique. C’est aussi en substance la conclusion à laquelle sont arrivés des chercheurs de la Station d'écologie expérimentale du CNRS à Moulis (SEEM) et du laboratoire Evolution et diversité biologique (EDB, CNRS/Université Toulouse 3 Paul Sabatier/ENFA) en étudiant de plus près ce petit reptile d’Europe. A l'aide du Métatron, un système unique au monde d'enclos semi-naturels dans lesquels la température, l’hygrométrie et le rayonnement solaire peuvent être manipulée, les scientifiques ont tout d’abord recréé deux climats distincts : l’un similaire à la situation actuelle et un second plus chaud de 2°C, correspondant à l’élévation de température prédite par les climatologues pour 2080.

Différentes populations de Lézards vivipares ont ensuite été placées pendant deux ans dans 18 enclos recréant l’une ou l’autre des conditions climatiques précédentes. L’étude des paramètres physiologiques de ces lézards et de leurs progénitures, au fil de l’expérience, a permis de mettre en évidence les effets d’un réchauffement climatique de 2°C. « Alors que l’environnement plus chaud peut sembler bénéfique puisqu’il engendre à la fois une reproduction plus précoce des lézards et une croissance plus rapide de leurs juvéniles, il est également à l’origine d’une plus grande mortalité des adultes qui met en danger la survie des populations », souligne Elvire Bestion co-auteure de ces travaux et actuellement chercheuse à l’Université d’Exeter, en Grande-Bretagne. A l’aide d’un modèle de dynamique des populations, les scientifiques ont en effet pu montrer que cette surmortalité des lézards adultes risquait de mener à l’extinction de certaines populations en une vingtaine d’années à peine. « L’augmentation de température réduisant la durée d’activité journalière des lézards, ceux-ci doivent redoubler d’efforts pour trouver suffisamment de nourriture ce qui conduit très certainement à un épuisement physiologique précoce », suggère Elvire Bestion.

Cependant, au sein même d’une espèce, tous les individus ne sont pas identiques, certains préférant des températures plus élevées que d’autres. Cette variabilité interindividuelle, bien que souvent ignorée, pourrait avoir un impact sur la réponse des espèces au changement climatique. Les scientifiques se sont donc intéressés aux conséquences de cette variabilité interindividuelle dans les préférences thermiques sur la dispersion, qui correspond au déplacement du lieu de naissance vers le lieu de reproduction. Afin de suivre de manière individuelle le comportement de dispersion, les scientifiques ont relâché des centaines de lézards vivipares juvéniles pour lesquels la préférence thermique à la naissance avait été mesurée en laboratoire. « Pour chaque reptile, nous avions préalablement déterminé à la naissance la gamme de température dans laquelle celui-ci est capable de vivre de manière optimale », précise Julien Cote biologiste au laboratoire Evolution et diversité biologique et cosignataire de l’étude. Après avoir relié les deux types d’enclos de l’expérience précédente par un système de corridors et grâce à des pièges installés à l’extrémité de chaque corridor, l’équipe a ensuite pu quantifier la dispersion de l’espèce à la naissance durant tout un été. « Nous avons constaté que les jeunes reptiles préférant des températures basses dispersent davantage d'enclos où règne un climat chaud que d’enclos mimant le climat actuel alors que les juvéniles préférant des températures élevées optent en majorité pour un comportement opposé », résume Julien Cote. Ce processus devrait mener à la ségrégation spatiale de différents phénotypes thermiques lors des déplacements d’aire de répartition dus au changement climatique, ce qui pourrait faciliter l’adaptation locale aux nouvelles conditions climatiques.

Alors que les résultats de l’étude publiée dans Plos Biology conduisent à penser que le futur changement climatique constituera une menace sérieuse pour les populations de Lézards vivipares installées dans le sud de l’Europe, ceux publiés dans Ecology Letters incitent au contraire à rester optimiste quant à l’avenir de cette espèce. Les capacités de dispersion dont fait preuve cette espèce en réponse aux modifications de température de son habitat, devraient en effet faciliter l’adaptation du reptile à de nouvelles conditions climatiques : « Si la disparition de certaines populations de lézards semble inévitable, d’autres ne feront que diminuer avant de se réorganiser en fonction de leurs phénotypes thermiques », conclut Elvire Bestion.
 
 

Réference

Live fast, die young: experimental evidence of population extinction risk due to climate change, E.Bestion, A.Teyssier, M.Richard, J. Clobert & J. Cote., Plos Biology, October 26, 2015.

Dispersal response to climate change: scaling down to intraspecific variation, E. Bestion, J. Clobert & J. Cote, Ecology Letters, 03 September 2015.

Contact

Julien Cote
Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  05 61 55 61 97
  julien.cote@univ-tlse3.fr
Frédéric Magné
Contact communication - Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  05 61 55 60 85
  frederic.magne@univ-tlse3.fr

Source INEE CNRS