Climat et biodiversité : un intérêt réciproque
Actu IRD

14 décembre 2020

Thierry Oberdorff

Une équipe internationale1 a analysé les objectifs de protection de la biodiversité actuellement négociés en vue de la prochaine Conférence des Parties / COP 15 de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) qui se tiendra en Chine en 2021. Les constats qu’ils en ont tirés : il faut impérativement prendre en compte les effets du changement climatique pour atteindre ces objectifs. Ces conclusions font l’objet d’un article publié dans les Proceedings of the National Academy of Science (PNAS).

Concrètement, comment préserver certaines espèces menacées alors que le réchauffement global – qu’il soit de  2°C, ou au-delà – va impacter leur habitat ? Des chercheurs impliqués dans l’évaluation globale de l’IPBES2 s’accordent sur le lien entre protection de la biodiversité et changement climatique.

 

Protéger la biodiversité de manière plus réaliste

Dans l’article de PNAS, des scientifiques des quatre coins du monde livrent de concert leur analyse des objectifs de protection de la biodiversité re-définis en préparation de la Conférence des Parties / COP 15 de la Convention sur la Diversité Biologique (17 – 30 mai 2021, Kunming, Chine). Force est de reconnaitre que leur constat est peu encourageant. D’après eux, de nombreux objectifs sont inatteignables si les effets du changement climatique ne sont pas explicitement pris en compte. « Par exemple, de nombreuses espèces aquatiques et terrestres répondent au changement climatique en cours en se déplaçant vers les eaux profondes, les pôles ou en altitude pour se maintenir dans un environnement favorable à leur survie. Définir des zones protégées sans tenir compte de ces déplacements compromettra de fait l’utilité future de ces zones de protection », soulignent Yunne-Jai Shin3 et Thierry Oberdorff4, deux chercheurs IRD ayant participé à l’étude. Dans le même esprit, l’objectif d’éviter l’extinction des espèces menacées en améliorant leur statut de conservation actuel semble également irréaliste alors qu’il est scientifiquement reconnu qu’une évolution, même faible, de réchauffement global (i.e., 1.5°C à 2°C) va réduire substantiellement les habitats de la plupart de ces espèces.

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Coordination nécessaire pour relever le défi

Dans ce contexte changeant, pour espérer stopper l’érosion et augmenter la capacité d’adaptation de la biodiversité face aux changements globaux, il est donc impératif d’adopter des approches de conservation plus dynamiques, plutôt que de fixer des objectifs statiques. « C’est certainement un grand défi, mais aussi une occasion importante de mieux gérer au niveau politique les interactions entre le changement climatique et la perte de biodiversité, et de mieux coordonner les objectifs de biodiversité avec l’accord de Paris sur le changement climatique et les objectifs de développement durable des Nations unies », explique Almut Arneth5, l’auteure principale de l’étude.

En effet, avec ses collègues elle montre que les changements climatiques affectent la biodiversité à tous les niveaux – de la population jusqu’aux paysages – que ce soit de façon directe ou indirecte, en diminuant la diversité spécifique ou en altérant le fonctionnement de l’écosystème. Pour prendre en compte à la fois les paramètres climatiques, écologiques et biologiques, et leurs interactions réciproques aux différentes échelles, il sera nécessaire de croiser les différentes disciplines mises à contribution.

 

Des objectifs ambitieux et réalisables qui profitent à la fois à la biodiversité et au climat

L’étude ouvre des perspectives positives en montrant que des mesures de protection de la biodiversité feraient coup double en contribuant à la protection du climat. « Il est très important de fixer des objectifs internationaux ambitieux mais réalisables en matière de biodiversité en Chine en 2021. Fixer des objectifs trop ambitieux qui ne peuvent pas être atteints en raison du changement climatique n’est pas utile. En même temps, des objectifs ambitieux pour protéger la biodiversité peuvent constituer une partie importante de la lutte contre le changement climatique », ajoute Paul Leadley6.

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Toutes ces mesures ne dédouanent pas les humains de la nécessité de réduire rapidement et de manière significative les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique. « Une meilleure coordination des accords environnementaux internationaux et des résultats scientifiques pourrait accélérer la transition vers une économie dé-carbonée et conforter le ralentissement du changement climatique par des mesures de protection de la biodiversité« , résume Almut Arneth.

 
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Réference

Post-2020 biodiversity targets need to embrace climate change, Arneth A., Shin Y.-J., Leadley P., Rondinini C., Bukvareva E., Kolb M., Midgley G.F., Oberdorff T., Palomo I., Saito O., Proceedings of the National Academy of Sciences. 2020, 117 (49) 30882-30891 https://doi.org/10.1073/pnas.2009584117

Notes

1 Impliquant des scientifiques d’Allemagne, de France, d’Italie, d’Espagne, de Russie, d’Afrique du Sud, du Mexique et du Japon.

2 Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.

3 Yunne-Jai Shin est directrice de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) dans l’Unité Mixte de Recherche « Biodiversité marine, exploitation et conservation“ (MARBEC). Elle est auteure coordinatrice de l’évaluation globale de l’IPBES publiée en 2019 et membre du Conseil Scientifique de l’Office Français de la Biodiversité.

Thierry Oberdorff est directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) dans l’Unité Mixte de Recherche « Évolution et Diversité Biologique » (EDB) et un des auteurs de l’évaluation globale de l’IPBES publiée en 2019.

Karlsruhe Institute of Technology, Allemagne.

Paul Leadley est professeur d’écologie à l’Université Paris-Saclay. Il coordonne un consortium interdisciplinaire de quatorze laboratoires « Biodiversité, Agroécosystèmes, Climat et Société » qui étudie les transitions écologiques et agroécologiques. Il est l’un des auteurs de l’évaluation globale de l’IPBES publiée en 2019 et membre du groupe d’experts multidisciplinaire de l’IPBES.

Source IRD