Des échantillons d’herbiers révèlent les origines de la photosynthèse du maïs
Brève CNRS

06 janvier 2020

Guillaume Besnard

Au cours de l’évolution, les organismes vivants ont développé diverses stratégies afin de s’adapter à leur environnement. Chez les plantes, la photosynthèse C4 en particulier a joué un rôle clé dans le développement des savanes tropicales. Cette innovation évolutive a nécessité le recrutement et l’optimisation de nombreuses enzymes, et ces changements peuvent être étudiés en comparant le génome d’espèces apparentées C4 et non-C4. Ceci devient cependant difficile lorsque ces espèces non-C4 ne sont pas connues. Jusqu’à récemment, c’était le cas pour la plus importante lignée de graminées C4, appelée Andropogoneae, dont le maïs fait partie. Toutefois, une équipe internationale, composée notamment de chercheurs du laboratoire Évolution et diversité biologique (EDB – CNRS/Université de Toulouse III Paul Sabatier/IRD), vient de révéler une part de l’histoire de la photosynthèse C4 de ces graminées grâce à des analyses de génomes d’espèces rares « excavées » de plusieurs herbiers. Publiée le 7 octobre 2019 dans Systematic Biology, l’étude révèle que le type photosynthétique C4 des Andropogoneae a été continuellement optimisé depuis son acquisition au Miocène.
 
 

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La diversification du monde vivant a impliqué des processus complexes d’adaptation aux changements passés de l’environnement, qu’ils soient géologiques, climatiques ou biotiques. Chez les plantes, la photosynthèse C4 est l’un des traits adaptatifs les plus étudiés. Cette adaptation implique des changements anatomiques et biochimiques permettant d’optimiser le rendement de la photosynthèse en milieu chaud et ouvert. L’acquisition du trait C4 nécessite notamment de recruter de nombreuses enzymes pour concentrer le dioxyde de carbone dans les chloroplastes. Plusieurs lignées de graminées C4 dominent désormais les habitats ouverts tropicaux et subtropicaux, communément appelés savanes. Parmi ces lignées, la tribu des Andropogoneae est l’une des plus remarquables, à la fois pour sa diversité, son abondance et son utilité pour l’homme. Ce groupe qui s’est diversifié depuis le Miocène, renferme près de 1200 espèces, dont le maïs, le sorgho ou la canne à sucre, mais aussi domine plus d’un tiers des savanes. On estime qu’environ 5% de la biomasse des plantes terrestres est produite annuellement par cette seule lignée. Les études de l’origine du caractère C4 chez les Andropogoneae ont cependant été limitées par le fait qu’aucune lignée proche non-C4 n’était connue jusqu’à très récemment, empêchant de comprendre quand et où le trait a évolué, mais aussi comment ce trait complexe a été incrémenté lors de la diversification du groupe.

Dans leur étude, les chercheurs ont tout d’abord identifié à partir de collections d’herbiers la tribu Jansenelleae, constituée de trois petites graminées non-C4 du sous-continent indien, comme le groupe frère des Andropogoneae. Ces espèces, que l’on jugerait au premier abord « insignifiantes », sont rares, ce qui explique qu’elles aient été très peu étudiées jusque-là. Le succès évolutif des Andropogoneae et Jansenelleae apparait ainsi extrêmement contrasté, et probablement en partie lié à l’acquisition ou non du caractère C4. Une comparaison des génomes de plusieurs Andropogoneae et de Jansenelleae obtenues dans différents herbiers a révélé que le recrutement d’enzymes pour le trait C4 a impliqué de nombreux changements adaptatifs à l’origine du groupe. Un taux élevé de changements s’est toutefois maintenu dans les 20 millions d’années suivantes, indiquant qu’une adaptation continue de la photosynthèse des Andropogoneae a accompagné leur radiation dans les savanes de tous les continents.

De nos jours, les Andropogoneae, et en particulier le maïs, représentent l’un des groupes de plantes les plus étudiées au monde, du fait de leurs intérêts économique et écologique. Il est donc évidemment surprenant qu’il ait fallu attendre l’analyse génomique d’échantillons d’herbier d’espèces rares, et a priori sans intérêt appliqué, pour mieux comprendre l’origine de son type de photosynthèse ayant permis sa dominance des savanes du globe. Cela démontre, une fois de plus, l’importance des collections d’histoire naturelle pour l’étude de la biodiversité, notamment pour comprendre l’évolution de traits fonctionnels.

 

Réference

Continued adaptation of C4 photosynthesis after an initial burst of changes in the Andropogoneae grassesMorphological sorting of introduced freshwater fish species within and between donor realms, Matheus Bianconi & Jan Hackel et al., publié le 7 octobre 2019 dans Systematic Biology

Source INEE CNRS