Forêt amazonienne : le premier inventaire à grande échelle révèle une hyper dominance de 227 espèces d’arbres
Communiqué de presse IRD, INRA, CNRS et Cirad

18 octobre 2013

Jérôme Chave

Une étude internationale, à laquelle ont participé des scientifiques de l’IRD, de l’INRA, du CNRS et du Cirad, avec l’appui de l’herbier IRD de Guyane, vient de dresser le premier inventaire à large échelle des arbres du bassin amazonien. Les chercheurs montrent que la première forêt tropicale humide du monde est composée de près de 390 milliards d’arbres appartenant à environ 16 000 espèces différentes. Ils révèlent que 227 espèces seulement sont hyper dominantes et représentent plus de la moitié des arbres de l’Amazonie. Ces résultats, qui ont également permis d’estimer à 11 000 le nombre d’espèces rares, sont publiés le 18 octobre 2013 dans la revue Science, sous forme d’un article de synthèse.
 
 
Une forêt tropicale humide riche mais difficile à inventorier

Plus vaste aire terrestre de forêt tropicale humide au monde, l’Amazonie s’étend sur près de 6 millions de km2/ et sur 9 pays (Brésil, Bolivie, Pérou, Equateur, Colombie, Venezuela, Guyana, Suriname et Guyane française). Véritable point chaud de biodiversité, tant pour les espèces animales que végétales, elle est fortement touchée par la déforestation et d’autres perturbations anthropiques (on estime que près de 18 % de la forêt a disparu depuis 1970).

Inventorier précisément les communautés d’arbres de la forêt amazonienne est un enjeu scientifique majeur, afin d’identifier et de protéger les espèces rares de l’extinction. Malgré les efforts internationaux réalisés au cours de ces 30 dernières années, réaliser cet inventaire sur l’ensemble du bassin amazonien s’avère complexe et difficile, compte-tenu de l’immensité du domaine à étudier et de la diversité record des communautés d’arbres (jusqu’à 210 espèces à l’hectare en Guyane, plus de 300 au Pérou).
 
 
227 espèces hyper dominantes et 11 000 espèces rares

Dans une étude internationale, coordonnée par Hans ter Steege (Naturalis Biodiversity Center, Pays-Bas) et à laquelle ont participé des scientifiques de l’IRD, de l’INRA, du CNRS et du Cirad, avec l’appui de l’herbier IRD de Guyane, les chercheurs ont compilé et standardisé les données d’abondance des espèces pour plus d’un demi-million d’arbres de forêt de basse altitude (1 170 parcelles de 1 hectare), provenant du réseau international Amazon Tree Diversity Network.

Ces données ont dans un premier temps permis d’estimer le nombre total d’arbres du bassin amazonien et la densité des arbres à l’échelle du degré carré. Elles ont ensuite été intégrées à un modèle de distribution des abondances, pour estimer le nombre total d’espèces du bassin amazonien et des grandes régions qui le composent, ainsi que les caractéristiques de dominance ou de rareté des espèces.

Les scientifiques ont ainsi estimé que la forêt amazonienne totalise près de 390 milliards d’arbres de 16 000 espèces différentes. Ils ont mis en évidence que plus de la moitié des individus du bassin appartiennent à 227 espèces seulement. Qualifiées d’hyper dominantes, ces espèces ont de grandes aires de répartition géographique (même si elles ne sont dominantes que dans une ou deux régions de l’Amazonie).

Elles regroupent des palmiers (notamment Euterpe oleracea, espèce emblématique de l’Amazonie, utilisée dans l’agroalimentaire et consommée sous forme de boisson énergétique dans plusieurs pays de la région), des Myristicaceae (famille du muscadier) et des Lecythidaceae (famille du noyer du Brésil). Enfin, grâce à cet inventaire, les chercheurs ont identifié près de 11 000 espèces rares (qui ne représentent en tout que 0,12 % des individus).
 
 
Poursuivre les inventaires pour protéger les espèces menacées

Cette étude met en évidence l’uniformité du fonds du peuplement forestier de l’Amazonie. L’hyper dominance de seulement 227 espèces implique que les cycles biogéochimiques dans le bassin amazonien (processus de transport et de transformation cyclique des substances chimiques) sont en grande partie réalisés par une infime fraction de la diversité végétale.

Des études complémentaires restent à mener pour déterminer les causes de cette hyper dominance. Selon les chercheurs, de tels modèles de répartition spatiale peuvent être utilisés pour prédire la structure et la richesse de la forêt dans des zones non explorées, et seraient améliorés par la prise en compte de données environnementales.

Ils insistent sur la nécessité d’intensifier l’inventaire des 11 0000 espèces rares. En effet, du fait de leur répartition très limitée, ces espèces sont extrêmement menacées par la déforestation et risquent de disparaître avant même d’avoir été observées et décrites. De plus, la distribution d’abondance mise en évidence montre que l’effort de prospection pour accéder à ces éléments rares est colossal.
 
 

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Réference

Hyper-dominance in the Amazonian Tree Flora, ter Steege H. et al., Science, 18 October 2013.

Notes

Laboratoires français impliqués dans l’étude :

  • Botanique et bioinformatique de l’architecture des plantes – AMAP (Cirad/CNRS/INRA/IRD/Université Montpellier 2), Montpellier et Cayenne (herbier IRD de Guyane)
  • Ecologie des Forêts de Guyane- Ecofog, Guyane française (Cirad/ CNRS/INRA)
  • Laboratoire Evolution et diversité biologique – EDB (CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/Ecole Nationale Formation Agronomique)

Sources : CNRS