La coexistence avec une espèce introduite bouscule l’équilibre des traits écologiques d’une espèce native
Valorisation interne EDB

13 novembre 2017

Julien Cucherousset

L’Homme a introduit de très nombreuses espèces en dehors de leurs aires de distribution native. Certaines de ces espèces ont pu établir des populations viables et impacter les organismes présents dans ces écosystèmes d’accueil. Dans le cadre d’un projet européen de recherche (SalmoInvade – Biodiversa), des scientifiques du laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB, CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier/ENSFEA/IRD, France) et du Salmonid Ecology Group (Université de Göteborg, Suède) ont analysé les effets de la présence du saumon de fontaine, espèce originaire d’Amérique du Nord, sur les traits écologiques de la truite commune, espèce européenne. Cette étude, publiée en ligne en août 2017 dans le journal Functional Ecology, démontre qu’en présence de l’espèce introduite, les individus de l’espèce native ont une croissance plus faible, changent leur régime alimentaire, leur morphologie et diminuent la taille de leur domaine vital. Les chercheurs ont aussi mis en évidence que la coexistence avec l’espèce introduite altérait fortement les associations habituellement observées entre traits écologiques chez l’espèce native qui forment un syndrome phénotypique.
 
 

Pour survivre en milieu naturel, les animaux ont développé des stratégies de vie leur permettant d’acquérir au meilleur coût des ressources alimentaires tout en limitant les risques de prédation. Au sein d’une même population sauvage, les individus peuvent ainsi mettre en place des stratégies extrêmement différentes pour y parvenir et posséder des régimes alimentaires, des morphologies ou une utilisation de l’habitat très variés. Néanmoins, la gamme des stratégies de vie pouvant être mises en place est limitée par des contraintes environnementales (telles que la disponibilité des ressources alimentaires) et les stratégies non performantes sont souvent contre-sélectionnées. Comprendre comment les contraintes environnementales agissent sur ces stratégies et les associations phénotypiques au sein des populations naturelles est un enjeu crucial, car les nouvelles pressions environnementales induites par les activités anthropiques risquent d’altérer ces associations façonnées par la sélection naturelle. C’est notamment le cas des invasions biologiques, car l’introduction d’espèces non natives dans un nouveau milieu, avec lesquelles les espèces natives n’ont pas co-évolué, va agir comme une nouvelle contrainte environnementale sur l’espèce native.

Dans le cadre du projet de recherche européen SalmoInvade (Biodiversa), les scientifiques ont testé si la coexistence avec une espèce introduite pouvait modifier les associations entre traits écologiques d’une espèce native. L’étude a été réalisée dans une rivière de Suède dans laquelle la truite commune (Salmo trutta) coexiste avec le saumon de fontaine (Salvelinus fontinalis), espèce nord-américaine introduite en Europe au 19ème siècle pour la pêche récréative. Les chercheurs ont notamment mesuré les mouvements, le comportement, le métabolisme et la morphologie des truites dans des sites avec ou sans saumon de fontaine. En présence de saumons de fontaine, les truites consommaient plus de proies terrestres, avaient de plus petits domaines vitaux et une morphologie plus trapue. Ces modifications étaient également associées avec une diminution du taux de croissance. Aussi, lorsque les truites coexistaient avec les saumons de fontaine, l’association entre les traits écologiques était déstructurée et plus faible. Ces résultats sont un nouvel exemple de conséquences écologiques subtiles et discrètes de l’introduction d’une espèce non native.

Pour plus d’informations sur le projet SalmoInvade : https://www.biodiversa.org/1062

 
 
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Réference

Co-existence with non-native brook trout breaks down the integration of phenotypic traits in brown trout parr, Libor Závorka, Barbara Koeck, Julien Cucherousset, Jeroen Brijs, Joacim Näslund, David Aldvén, Johan Höjesjö, Ian A. Fleming and Jörgen I. Johnsson, Functional Ecology, 09 March 2017.

Source EDB – Valorisation interne