En compilant l’ensemble des données disponibles sur la distribution et les caractéristiques fonctionnelles des cinq groupes de vertébrés terrestres (oiseaux, mammifères, reptiles, amphibiens et poissons d’eau douce), les auteurs de cette étude ont montré que la perte des espèces menacées d’extinctions entraînerait un déclin de diversité fonctionnelle variable selon les régions du monde et les groupes taxonomiques considérés. En particulier, l’Asie et l’Europe seraient les régions les plus impactées alors que l’Amérique du Nord apparaîtrait moins vulnérable. Les conséquences peuvent donc être importantes en termes de stratégies de conservation de la biodiversité. Par exemple, l’Asie n'abrite pas seulement la plus grande proportion de vertébrés menacés sur Terre, mais également des espèces menacées possédant des traits fonctionnels uniques. Leur perte occasionnerait un déclin de 20 % de la diversité fonctionnelle supportée par les mammifères et les oiseaux, mettant ainsi en péril les écosystèmes les abritant. Il en est de même pour les amphibiens et les poissons d’eau douce en Europe, pour lesquels 30 % de la diversité fonctionnelle est uniquement supportée par des espèces menacées d’extinction.
De plus, les caractéristiques fonctionnelles des espèces menacées peuvent, selon les groupes taxonomiques, être similaires dans toutes les régions du globe ou au contraire très différentes entre régions. Ainsi, les espèces d’oiseaux et de mammifères menacées d’extinction partagent des caractéristiques similaires partout dans le monde : ce sont de grandes espèces peu fécondes et à durée de vie longue, tels que les grands singes africains (chimpanzés et gorilles) et asiatiques (orang-outan) ou les singes araignées (Ateles spp) d’Amérique du Sud. A l’inverse, les caractéristiques des espèces menacées de reptiles, d’amphibiens et de poissons d’eau douce varient selon les régions du globe. Par exemple, la plupart des espèces de poissons de grande taille sont menacées d’extinction en Europe (ex. : esturgeons, Acipencer spp), alors qu’en Amérique du Sud, ce sont de nombreuses espèces de petite taille qui sont en danger, tels les poissons chats du genre Hartiella dont on retrouve plusieurs espèces en Guyane. Ces résultats démontrent que pour les oiseaux et les mammifères, des mesures globales de protection des grandes espèces doivent être envisagées, alors que les stratégies de conservation ciblées vers les espèces aux traits fonctionnels uniques doivent être adaptées à chaque région du globe pour les autres groupes de vertébrés.
Bien que toutes les espèces aient vocation à être protégées, les ressources allouées à la conservation de la biodiversité sont souvent limitées. Cette étude contribue donc à cibler des mesures prioritaires de conservation des espèces de vertébrés jouant un rôle majeur dans le fonctionnement des écosystèmes des différentes régions du globe.