Evolution de bactéries pathogènes en laboratoire : une approche originale pour élucider les mécanismes de l’évolution adaptative
Brève CNRS

10 décembre 2014

Christophe Thébaud, Jean-Baptiste Ferdy

L’évolution permettant aux bactéries pathogènes de s’adapter aux organismes qu’ils infectent (hôtes) est une préoccupation majeure en santé humaine, vétérinaire et agricole. Et pour cause, ce phénomène peut générer de nouvelles souches plus agressives ou capables d’infecter de nouveaux hôtes. Lors d’une étude publiée en novembre dans la revue Molecular Biology and Evolution, des chercheurs du Laboratoire des interactions plantes-microorganismes et du laboratoire Evolution et diversité biologique de Toulouse ont pu déchiffrer pour la première fois les bases génétiques de l’évolution adaptative d’une bactérie représentant une menace majeure pour les cultures maraichères : Ralstonia solanacearum. Pour ce faire, l’équipe a utilisé une approche originale : faire évoluer la bactérie en laboratoire puis séquencer les génomes complets des souches évoluées.
 
 

Evolution expérimentale de la bactérie Ralstonia solanacearum par passages successifs de la plante malade vers une plante saine durant plus de 300 générations bactériennes. Les bactéries issues de la plante malade sont injectées directement dans la tige d'une nouvelle plante saine. ©Alice GUIDOT, LIPM, INRA, Toulouse

 
 
Sévissant surtout dans les pays tropicaux et subtropicaux, R. solanacearum induit le flétrissement de plus de 250 espèces végétales d’intérêt agronomique, comme la pomme de terre, la tomate et le bananier.
La biologiste Alice Guidot et ses collaborateurs ont fait évoluer ce pathogène sur 3 espèces sensibles à la maladie : la tomate, l’aubergine et le géranium, et 2 espèces dites « tolérantes » : le chou et le haricot, que la bactérie est capable d’infecter sans les rendre malades.

« Nous avons maintenu R. solanacearum dans chacune des espèces végétales pendant au moins 300 générations bactériennes, par des passages successifs de la plante malade vers une plante saine, à raison d’un passage par semaine. En tout, il nous a fallu 12 mois de manipulations », précise Alice Guidot.
Au final, les chercheurs ont obtenu de nouvelles souches adaptées expérimentalement aux 5 espèces végétales étudiées.

Puis, ils ont séquencé entièrement les génomes de 9 souches adaptées (3 à la tomate et 6 au haricot) et ont comparé leurs génomes avec celui de la souche « ancestrale » utilisée en début d’expérience.
Ces analyses ont révélé plusieurs modifications du génome. « Notamment, plusieurs souches adaptées expérimentalement présentaient des mutations au niveau d’un même gène : "efpR" » soulign eAlice Guidot. Les biologistes ont alors effectués des expériences de génétique qui ont confirmé le rôle important de ce gène dans la multiplication de la bactérie dans sa plante hôte.

Quelle est la fonction du gène "efpR" ? C’est là une des questions sur lesquelles travaillent désormais les chercheurs.
 
 

Réference

Multihost Experimental Evolution of the Pathogen Ralstonia solanacearum Unveils Genes Involved in Adaptation to Plants, Alice Guidot, Wei Jiang, Jean-Baptiste Ferdy, Christophe Thébaud, Patrick Barberis, Jérôme Gouzy & Stéphane Genin, Molecular Biology and Evolution, 01 August 2014.

Contact

Christophe Thébaud
Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  05 61 55 82 18
  christophe.thebaud@univ-tlse3.fr
Frédéric Magné
Contact communication - Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  05 61 55 60 85
  frederic.magne@univ-tlse3.fr

Source INEE CNRS