La structure sociale garantit la diversité génétique des espèces
Brève CNRS

05 août 2015

Lounès Chikhi

Du point de vue de la génétique des populations, les espèces qui vivent en petits groupes sont considérées comme étant particulièrement soumises au risque de consanguinité. Les travaux publiés le 15 juin dernier dans PNAS par deux chercheurs du laboratoire Evolution et diversité biologique (EDB – CNRS/Univ. Toulouse Paul Sabatier) et de de l’Instituto Gulbenkian de Ciência, au Portugal, démontrent que les structures sociales de petite dimension, comme celles que l’on trouve par exemple chez les primates, sont au contraire sources de diversité génétique. Cette étude qui propose par ailleurs un modèle mathématique capable de mieux prédire l’évolution génétique des populations de petite taille pourrait contribuer à améliorer la conservation des espèces les plus fragiles.
 
 
 

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Dans la nature, de nombreux animaux sont organisés en petits groupes où coexistent des individus d’âge, de sexe, et de rang social différents. Lorsque les généticiens veulent étudier ces populations de petites tailles, ils ont tendance à simplifier leur structure organisationnelle pour éviter d’intégrer quantité de paramètres à leur modèle d’étude. Si cette simplification facilite l’interprétation des hypothèses que veulent tester les chercheurs, elle a toutefois l’inconvénient d’occulter la complexité des espèces tout en modélisant la diversité génétique de ces groupes d’individus à l’échelle supérieure de la population. En effet, les modèles de génétique des populations ont tendance à ignorer la structure sociale des espèces en se concentrant sur les populations en tant qu’unités plus ou moins homogènes. Comment dès lors concilier la réalité du terrain à laquelle sont confronté les écologistes avec ces modèles de génétique des populations ?

C’est tout l’enjeu des travaux1 menés par Bárbara Parreira, étudiante de thèse à l’Instituto Gulbenkian de Ciência (IGC, Portugal) et Lounès Chikhi chercheur CNRS au laboratoire Evolution et diversité biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse Paul Sabatier). S’appuyant sur des données génétiques et écologiques issues de la littérature scientifique, les chercheurs ont tout d’abord modélisé divers groupes sociaux pour lesquels ils ont ensuite testé les stratégies d’accouplement les plus couramment observées chez les mammifères (monogamie, polygamie modérée ou extrême, etc.) : « Nous avons ainsi montré que la structure sociale d’une petite population joue un rôle fondamental dans le maintien de sa diversité génétique contrairement à ce que présupposent les modèles habituellement employés par les généticiens des populations », explique Lounès Chikhi.
 
 

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Afin de mieux prendre en compte la structure sociale de ces petits groupes d’individus, les deux scientifiques ont testé sur eux un modèle mathématique à même de refléter leur complexité génétique « Notre modèle montre qu’en dépit du petit nombre d’individus souvent apparentés qui composent les groupes familiaux, comme c’est par exemple le cas chez les lémuriens, ceux-ci sont les véritables garants de la diversité génétique à l’échelle d’une population plus vaste », analyse Bárbara Parreira, l’auteure principale de ces travaux. Pour confirmer la validité de cette approche, l’équipe a commencé à étudier la structure génétique du Propithèque de Tattersall (Propithecus tattersalli), un lémurien vivant en petits groupes familiaux considéré comme en danger critique d’extinction par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Si les prédictions de leur modèle appliqué à cette population de lémurien devaient s’avérer en accord avec les données génétiques recueillies à Madagascar, les chercheurs prouveraient ainsi que le maintien des structures familiales ne doit plus être négligé par les généticiens car celui-ci est essentiel à la préservation de l’espèce.
 
 

Réference

On some genetic consequences of social structure, mating systems, dispersal, and sampling, Bárbara R. Parreira & Lounès Chikhi, PNAS, June 16, 2015.

Notes

1 Ces recherches ont bénéficié du soutien financier de la Fundação para a Ciência e a Tecnologia (Portugal), du LabEx TULIP (France) et du Laboratoire international associé Bioinformatics, Ecology, Evolution, Genomics and Behaviour (CNRS).

Source INEE CNRS