L’Amazonie héberge une diversité de formes de poissons unique au monde
Brève CNRS

16 mars 2016

Sébastien Brosse, Aurèle Toussaint, Nicolas Charpin

L’Amazonie héberge une diversité de formes de poissons unique au monde Les zones tropicales sont connues pour abriter un grand nombre d’espèces. Cependant, cette forte diversité s’accompagne-t-elle d’une forte diversité de formes ou plutôt d’une forte ressemblance entre les espèces ? Une équipe de chercheurs du laboratoire Evolution et diversité biologique (EDB – CNRS / Univ. Toulouse III Paul Sabatier / ENFA) et du Centre pour la biodiversité marine, l'exploitation et la conservation (MARBEC – CNRS/Univ. Montpellier/IRD/Ifremer) vient de montrer que l’Amérique du Sud abrite prés de 80% de la diversité morphologique mondiale des poissons d’eau douce, alors que ce continent ne représente que 15% des terres émergées. Ils démontrent également que cette forte diversité morphologique est essentiellement due à des espèces plutôt communes et peu en danger. Ces résultats publiés dans la revue Scientific Reports parue le 16 mars 2016 soulignent la nécessité de considérer toutes les facettes de la biodiversité pour mener des actions de conservation pertinentes.
 
 

Un aperçu de la diversité morphologique des poissons Amazoniens. Le graphique au centre de la figure illustre la diversité morphologique, la position des espèces résumant leurs différences de formes. La zone blanche délimitée par les tirets noirs représente la diversité morphologique occupée par tous les poissons d’eau douce. La zone en bleu représente la diversité morphologique occupée seulement par les poissons d’Amérique du Sud. Les espèces représentées par les points rouges sont les suivantes: 1- Awaous flavus (gobie d’eau douce); 2- Cynodon gibbus (poisson chien); 3- Hemiancistrus medians (poisson diable); 4- Doras carinatus (poisson agouti); 5- Sturisoma aureum (poisson brindille); 6- Guianacara geayi ; 7- Serrasalmus rhombeus (pirhana); 8- Potamorrhaphis guianensis (poisson aiguille); 9- Ituglanis amazonicus (poisson chat parasite) ; 10- Sternopygus macrurus (anguille électrique) ; 11- Crenicichla johanna (poisson madame) ; 12- Boulangerella lucia; 13- Moenkhausia oligolepis (yaya); 14- Cyphocharax abramoides. Photos: © S. Brosse, sauf 1 (© R. Macieira), 5 (© R. Bartz, M Aka, M. Freak) et 14 (©D. Torres Hashiguti de Freitas).

 
Il suffit de regarder un aquarium tropical pour se rendre compte que les poissons d’eau douce ont des morphologies très diverses, liées en partie à leurs capacités d’alimentation et de mouvement. Ces adaptations morphologiques traduisent le rôle joué par chacune de ces espèces dans le fonctionnement des écosystèmes. Il est donc nécessaire de considérer cette diversité fonctionnelle en plus de la diversité en espèces pour bien décrire la biodiversité et sa vulnérabilité aux changements globaux.

Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé des photos de plus de 9 000 espèces de poissons d’eau douce (sur les 13 000 actuellement connues) pour mesurer des traits morphologiques tels que la taille et la position de l’œil ou de la bouche, l’aplatissement du corps ou la forme des nageoires. Ils ont ainsi pu démontrer que les poissons sud-américains représentent près de 80% de la diversité morphologique de tous les poissons d’eau douce du globe. Au contraire, les deux autres grandes zones tropicales, l’Afrique et l’Asie, n’en abritent pas plus de 15 à 20% chacune, soit à peine plus que les zones tempérées.

Pour connaitre la fragilité de cette diversité morphologique face aux perturbations humaines, les chercheurs ont simulé l’extinction de toutes les espèces rares ou en danger, puis ils ont de nouveau calculé la diversité morphologique des poissons restants. En Amérique du Sud, bien que près de la moitié des espèces soient rares ou en danger, leur disparition n’occasionnerait qu’une baisse de 10% de la diversité fonctionnelle. Au contraire, l’Europe et l’Amérique du Nord, qui abritent moins d’espèces en danger (20 à 30 % des espèces), sont beaucoup plus vulnérables à l’extinction de ces espèces, puisque cela réduirait respectivement la diversité morphologique des poissons de 35% et de 45%.

Cette étude montre donc que la diversité biologique doit être conservée pour maintenir la diversité en espèces, comme c’est le cas dans les zones tropicales, mais également pour maintenir la diversité morphologique, qui, bien qu’elle soit faible dans les zones tempérées, est également très vulnérable aux perturbations humaines dans ces zones.
 
 

Réference

Global functional diversity of freshwater fish is concentrated in the Neotropics while functional vulnerability is widespread, Toussaint A., Charpin N., Brosse S. & Villéger S., Scientific Reports, 16 March 2016.

Contact

Sébastien Brosse
Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  05 61 55 67 47
  sebastien.brosse@univ-tlse3.fr
Frédéric Magné
Contact communication - Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  05 61 55 60 85
  frederic.magne@univ-tlse3.fr

Source INEE CNRS