Il suffit de regarder un aquarium tropical pour se rendre compte que les poissons d’eau douce ont des morphologies très diverses, liées en partie à leurs capacités d’alimentation et de mouvement. Ces adaptations morphologiques traduisent le rôle joué par chacune de ces espèces dans le fonctionnement des écosystèmes. Il est donc nécessaire de considérer cette diversité fonctionnelle en plus de la diversité en espèces pour bien décrire la biodiversité et sa vulnérabilité aux changements globaux.
Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé des photos de plus de 9 000 espèces de poissons d’eau douce (sur les 13 000 actuellement connues) pour mesurer des traits morphologiques tels que la taille et la position de l’œil ou de la bouche, l’aplatissement du corps ou la forme des nageoires. Ils ont ainsi pu démontrer que les poissons sud-américains représentent près de 80% de la diversité morphologique de tous les poissons d’eau douce du globe. Au contraire, les deux autres grandes zones tropicales, l’Afrique et l’Asie, n’en abritent pas plus de 15 à 20% chacune, soit à peine plus que les zones tempérées.
Pour connaitre la fragilité de cette diversité morphologique face aux perturbations humaines, les chercheurs ont simulé l’extinction de toutes les espèces rares ou en danger, puis ils ont de nouveau calculé la diversité morphologique des poissons restants. En Amérique du Sud, bien que près de la moitié des espèces soient rares ou en danger, leur disparition n’occasionnerait qu’une baisse de 10% de la diversité fonctionnelle. Au contraire, l’Europe et l’Amérique du Nord, qui abritent moins d’espèces en danger (20 à 30 % des espèces), sont beaucoup plus vulnérables à l’extinction de ces espèces, puisque cela réduirait respectivement la diversité morphologique des poissons de 35% et de 45%.
Cette étude montre donc que la diversité biologique doit être conservée pour maintenir la diversité en espèces, comme c’est le cas dans les zones tropicales, mais également pour maintenir la diversité morphologique, qui, bien qu’elle soit faible dans les zones tempérées, est également très vulnérable aux perturbations humaines dans ces zones.