Les espèces exotiques s’établissent d’abord dans un climat connu
Brève CNRS

02 juin 2021

Jonathan Rolland

Avant de s’implanter à plus large échelle, les mammifères exotiques introduits dans un nouveau territoire doivent au préalable s’établir dans des climats similaires à ceux de leur région native. Une équipe internationale impliquant des chercheurs des universités de Lausanne et de Fribourg (Suisse), de l’université de Reading (Royaume-Uni), de l’université libre de Berlin (Allemagne) et du laboratoire Évolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS / Univ. Toulouse III Paul Sabatier / IRD) a développé un nouvel outil permettant de confirmer cette théorie et d’anticiper les risques d’invasions par les espèces exotiques. Cette étude est parue dans la revue Nature Communications.

 

 

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Une hypothèse clé dans l’étude des invasions biologiques stipule que pour qu’une espèce exotique puisse envahir un nouveau territoire, plusieurs individus doivent d’abord être introduits et établir une population initiale viable dans un site présentant des conditions climatiques similaires à celles de leur aire d’origine (appelée « niche climatique native » de l’espèce). Leurs descendants pourront ensuite se propager dans des régions différentes et ainsi étendre leur territoire. Ce concept, pourtant déjà bien accepté théoriquement, n’avait jusqu’ici pas été solidement testé. Une des principales raisons de cette lacune réside dans la rareté des cas documentés non seulement pour les succès d’établissement de populations exotiques, mais surtout concernant les échecs d’établissement, les populations ayant disparu.

Test sur près de 1000 introductions d’espèces invasives

Pour pallier ce manque et tester cette hypothèse, l’équipe de chercheurs a développé l’indice NMI (Niche Margin Index) ou « indice de marge de niche ». Olivier Broennimann et Antoine Guisan de l’Université de Lausanne (Suisse), en collaboration avec d’autres chercheurs et notamment Jonathan Rolland chercheur au CNRS, ont testé leur outil en numérisant un large jeu de données relatif à 979 introductions de 173 espèces de mammifères exotiques à travers le monde dont l’issue de l’implantation – réussite ou échec – était connue. Il a alors été possible d’obtenir leur NMI en calculant la distance de ces introductions à la marge de leur niche climatique native, et de mettre en relation ce NMI avec le succès d’établissement. Ces jeux de données comprenaient des animaux invasifs en France comme le ragondin (Myocastor coypus), le rat musqué nord-américain (Ondatra zibethicus) ou le raton laveur (Procyon lotor).

L’étude publiée le 21 avril 2021 dans la revue scientifique Nature Communications démontre ainsi que l’indice développé permet de mieux expliquer le succès d’établissement initial des espèces invasives que d’autres facteurs étudiés précédemment tels que les traits d’histoire de vie liés à la reproduction, la taille de l’aire native ou encore le temps écoulé depuis l’introduction. Il est à noter que seul le nombre d’individus originellement introduits donne d’aussi bons résultats.

Ces travaux ouvrent donc de nouvelles perspectives pour l’anticipation des risques d’établissement de populations exotiques et pourraient ainsi permettre d’éviter de coûteuses campagnes d’éradication ou de contrôle des espèces envahissantes. La prochaine étape sera désormais de tester cet outil à plus large échelle et de l’appliquer à d’autres situations rencontrées en écologie, notamment dans un contexte de changement climatique.

 

Objectifs de développement durable
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ODD 14 : Vie aquatique

ODD 15 : Vie terrestre

 

Cette étude vise à mieux comprendre les processus d’invasions biologiques dans les milieux terrestres et aquatiques.

 

Réference

Distance to native climatic niche margins explains establishment success of alien mammals, Broennimann O, Petitpierre B, Chevalier M, González-Suárez M, Jeschke JM, Rolland J, Gray SM, Bacher S, Guisan A., Nature Communications, 2021 April 21.

Source INEE CNRS