Les poissons-chats, les truites arc-en-ciel ou les black-bass sont des espèces non natives originaires d’Amérique du Nord, toutes trois introduites dans nos rivières. Mais pourquoi, parmi les quelque 700 espèces de poissons d’eau douce nord-américaines, seules quelques dizaines d’espèces se sont établies avec succès en Europe ? En d’autres termes, existe-t-il un profil morphologique particulier favorisant l’introduction d’espèces puis leur établissement dans un nouvel environnement ?
A partir d’une base de données regroupant les caractéristiques morphologiques de près de 10 000 espèces de poissons d’eau douce, les chercheurs ont montré que la morphologie des poissons introduits par l’homme dans des cours d’eau où ils n’étaient naturellement pas présents diffère de celle des poissons non introduits provenant de la même zone géographique que ceux ayant été introduits. Ces espèces introduites sont généralement (bien que de nombreuses exceptions existent) de grands poissons ayant une grande bouche et/ou une forme trapue, ce qui correspond à des poissons intéressants pour l’Homme d’un point de vue alimentaire et/ou halieutique.
De plus, parmi les espèces introduites, celles qui s’établissent durablement dans leur nouvel habitat présentent généralement une tendance à l’aplatissement latéral du corps encore plus marquée, une tendance qui s’accentue avec la distance entre la zone d’origine et la zone d’introduction de l’espèce. Cet établissement préférentiel d’espèces grandes et trapues est à mettre en relation avec le développement des plans d’eau artificiels (étangs, lacs de barrage) qui créent des milieux stagnants, qui leur sont propices.
Dans le contexte actuel de changement global et de mondialisation des échanges, il est probable que l’accroissement du nombre de plans d’eau artificiels et des introductions d’espèces accentuent les changements de biodiversité déjà observés dans les écosystèmes d’eau douce.