Les savanes malgaches étaient établies avant l’arrivée de l’homme
Brève CNRS

15 février 2016

Guillaume Besnard

Les savanes malgaches sont considérées par beaucoup comme des milieux dégradés par l’homme, sans grand intérêt écologique, qu’il serait bon de reboiser et dont l'origine est encore hautement débattue. Une équipe internationale, composée notamment de chercheurs des Royal Botanical Gardens de Kew (Londres) et du laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB - CNRS/Université de Toulouse III Paul Sabatier/ENFA), vient d’apporter de nouveaux éléments sur l’histoire et la diversité des savanes de Madagascar. En étudiant les graminées de ces milieux ouverts, qui couvrent environ 80 % de l’île, les chercheurs ont mis en évidence qu’ils abritaient une flore endémique particulièrement riche et ancienne, formant des communautés végétales dont l‘assemblage est antérieur à l’arrivée de l’homme. Leurs résultats ont été publiés dans Proceedings of the Royal Society, Series B.
 
 

a) prairie hautement perturbée (par le feu et la pâturage des zébus) caractéristique des hauts plateaux près d'Antsiafabositra, b) zone récemment déboisée et brûlée à la lisière du parc national d'Andohahela (dominée par Imperata cylindrica), c) savane à Yvesia madagascariensis près de Mahajunga, d) brousse épineuse avec baobabs au nord de Tuléar, e) savane à tapias dans le massif de l'Itremo, et f) savane au pied du massif de l'Andringitra. © Guillaume Besnard

 
Aucun éléphant, aucun lion ni aucun zèbre n’ont jamais déambulé dans les savanes malgaches. Cependant, ces milieux ouverts abritaient dans un passé relativement récent, une mégafaune composée d’oiseaux-éléphants (deux fois plus gros qu’une autruche !), de tortues et de lémuriens géants mais aussi de petits hippopotames. Depuis l’arrivée de l’homme sur l’île rouge, il y a 4 000 ans, ces écosystèmes ce sont incontestablement dégradés : la mégafaune a disparu et la flore s’est appauvrie. Aujourd’hui, ces habitats ouverts, plus ou moins parsemés d’arbres et soumis à des fortes pressions telles que le feu pastoral (écobuage) et les grands herbivores, sont dominés par les graminées. « Beaucoup de gens considèrent que ces savanes ont été créées par la déforestation et n’ont aucun intérêt. Il existe d’ailleurs actuellement des programmes de reboisement de ces milieux ouverts », fait remarquer Guillaume Besnard, biologiste au laboratoire Évolution et Diversité Biologique de Toulouse et co-auteur de l’article. Pour autant, que sait-on exactement de ces savanes ? Leur formation est-elle antérieure à l’arrivée de l’homme sur l’île ? Ces écosystèmes, sont-ils si pauvres que cela ?

Pour répondre à ces questions, les chercheurs ont entrepris de faire un inventaire des graminées qui dominent les savanes de Madagascar. « Nous nous sommes tout particulièrement intéressés aux "graminées C4", caractéristiques des milieux ouverts chauds », précise Guillaume Besnard. Les résultats de l’étude indiquent que les sites les moins dégradés montrent une grande diversité de graminées, « et il n’y a aucune raison que le constat ne soit pas le même pour les autres espèces », avance le chercheur. Une centaine d’espèces de graminées ont, par exemple, été répertoriées dans le massif de l’Itremo, une zone protégée au centre de Madagascar où l’on trouve également des plantes typiques de milieux ouverts comme des plantes crassulacées (aloès, kalanchoés, euphorbes…), des pachypodiums, des orchidées mais aussi des geckos et des caméléons. Par ailleurs, 40 % des 580 espèces de graminées répertoriées sont endémiques de l’île et sont là, pour certaines lignées, depuis le Miocène. Certaines savanes se seraient donc formées et diversifiées il y a plus de 5 millions d’années, bien avant l’arrivée de l’homme à Madagascar.

A l’instar des forêts de l’île, les savanes et les prairies malgaches les plus sauvages possèdent donc des espèces uniques qu’il est essentiel de préserver. Il existe déjà des sites protégés, comme dans les massifs de l’Isalo et de l’Itremo mais d’autres mériteraient d’être pris en compte. La réintroduction d’espèces dans des réserves pourrait être essentielle pour maintenir une dynamique naturelle de ces habitats. « Une étude pilote pour réintroduire des tortues géantes d’Aldabra – possiblement de la même espèce que les tortues géantes de Madagascar – dans le centre-ouest de l’île, est en projet », indique Guillaume Besnard. Ces tortues mangent une grande quantité d’herbe. Elles pourraient bien, au même titre que le feu, redynamiser la pousse des graminées et favoriser la dissémination des espèces, des graines de baobab par exemple ».
 
 

Réference

Madagascar’s grasses and grasslands : anthropogenic or natural? , Maria S. Vorontsova, Guillaume Besnard, Felix Forest, Panagiota Malakasi, Justin Moat, W. Derek Clayton, Paweł Ficinski, George M. Savva, Olinirina P. Nanjarisoa, Jacqueline Razanatsoa, Fetra O. Randriatsara, John M. Kimeu, W. R. Quentin Luke, Canisius Kayombo & H. Peter Linder, Proceedings of the Royal Society B, 27 January 2016.

Contact

Guillaume Besnard
Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  guillaume.besnard@univ-tlse3.fr
Frédéric Magné
Contact communication - Laboratoire Evolution et Diversité Biologique (EDB – CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier/IRD)
  05 61 55 60 85
  frederic.magne@univ-tlse3.fr

Source INEE CNRS