L’impact potentiel des changements de biodiversité sur la transmission des maladies infectieuses zoonotiques (transmises à l’homme par d’autres animaux) est devenu un sujet de recherche important depuis deux décennies. Les avancées dans ce domaine ont mis en évidence différents processus pouvant mener à une augmentation ou à une diminution du risque selon le système et l’échelle considérés. De multiples études de terrain sont nécessaires afin de caractériser ces mécanismes pour différents agents infectieux et dans différents environnements. Cependant, l’obtention des données essentielles à l’étude de l’écologie de maladies infectieuses en milieu naturel est une tâche difficile. C’est à ces défis scientifiques et méthodologiques que cette étude tente de répondre.
Les chercheurs ont étudié les leishmanioses amazoniennes, ensemble de maladies parasitaires zoonotiques circulant chez des mammifères sauvages en milieu forestier, et transmises par la piqûre de phlébotomes (petits diptères proches des moustiques). L’analyse moléculaire du contenu de centaines de pièges entomologiques, dans différents sites forestiers de Guyane, leur a permis d’estimer la prévalence des parasites ainsi que la diversité des espèces de phlébotomes et de mammifères (via l’ADN contenu dans les repas sanguins des diptères hématophages). Les résultats mettent en évidence une diminution de la diversité de mammifères dans les zones les plus impactées par l’homme, qui s’accompagne de deux conséquences contrastées sur la circulation des leishmanioses. D’une part, les espèces de mammifères connues pour transmettre ces maladies tendent à devenir prépondérantes dans les communautés de mammifères les plus appauvries, ce qui contribue à accroître le taux de prévalence des parasites dans les phlébotomes vecteurs (une observation cohérente avec l’hypothèse de « l’effet de dilution »1). Mais par ailleurs, les milieux où la diversité de mammifères est la plus pauvre contiennent des populations de phlébotomes moins denses. La cumulation de ces deux phénomènes opposés aboutit à un impact global relativement faible de la diversité de mammifères sur le risque de transmission.
Ces travaux démontrent une nouvelle fois que les changements de biodiversité influencent la transmission des maladies infectieuses au travers de différents mécanismes, et soulignent l’importance de prendre en compte l’écologie des insectes vecteurs. Par ailleurs, la méthodologie employée ouvre d’importantes perspectives pour l’étude écologique des maladies infectieuses. En effet, l’identification de plus de 50 espèces de vertébrés sauvages par l’analyse des repas sanguins de diptères est une illustration du potentiel de cette approche pour la réalisation d’inventaires de biodiversité.