Premier cas de parthénogenèse chez les coccinelles !
Brève CNRS

14 février 2020

Alexandra Magro, Emilie Lecomte, Jean-Louis Hemptinne, Jérôme Murienne

« Le pourquoi du sexe » reste encore aujourd’hui une des grandes questions évolutives. La découverte de lignées asexuées chez des espèces animales considérées jusque-là comme étant strictement sexuées, ouvre la porte à des études pouvant éclairer cette question majeure. C’est le cas d’un travail publié dans la revue Journal of Zoological Systematics and Evolutionary Research par des chercheurs du Laboratoire Évolution et Diversité Biologique de Toulouse (EDB – CNRS/Univ. Toulouse III-Paul Sabatier/IRD), en collaboration avec des partenaires du Muséum National d’Histoire Naturelle et de l’Université des Açores (Portugal). Cet article rapporte la découverte de populations d’une espèce de coccinelle composées strictement de femelles parthénogénétiques, dont les œufs non fertilisés donnent ainsi origine à une descendance composée également exclusivement de femelles. Les auteurs mettent en évidence des réarrangements chromosomiques et une infection par la bactérie Wolbachia chez ces individus et discutent la possible implication de ces phénomènes dans la reproduction asexuée.

 

Des plumes colorées, des chansons mélodieuses, des odeurs aphrodisiaques, ou des parades nuptiales sont parmi les nombreux charmes déployés par les animaux pour attirer l’attention d’un partenaire sexuel. Ils témoignent du fait que la reproduction se fait très majoritairement à deux. Néanmoins, ce mode de reproduction est coûteux : il faut trouver un partenaire, ce qui prend du temps et expose les organismes à des risques, et s’adonner à ce que W. D. Hamilton appelait le « cirque ridicule du sexe ». Dans ces conditions, pourquoi la reproduction asexuée n’est-elle pas plus répandue chez les animaux ? Il y a bien quelques exemples de lignées restées asexuées depuis des millions d’années, et cela malgré le fait que des mutations délétères devraient s’accumuler au long du temps et que ce mode de reproduction ne créerait pas la diversité génétique sur laquelle la sélection naturelle agit, permettant l’adaptation à de nouvelles conditions. Pourquoi ces cas sont-ils si rares ?

Parmi les insectes et autres Hexapodes, on estime qu’environ un millier d’espèces sont parthénogénétiques. Les Coccinellidae constituent une famille de coléoptères composée de quelque 6000 espèces, qui fait depuis longtemps l’objet de beaucoup d’attention de la part des chercheurs en raison, notamment, de leur rôle dans la régulation de certains ravageurs des cultures. Cependant, la parthénogenèse n’avait pas été reportée jusqu’à présent chez cette famille. Son existence est d’autant plus intéressante que ce mode de reproduction est rare chez les coléoptères, l’ordre le plus riche en espèces dans le monde animal.

Les coccinelles parthénogénétiques ont été découvertes dans deux localités se trouvant à une grande distance l’une de l’autre : l’archipel des Açores et l’île de la Réunion. Elles ont été identifiées comme Nephus voeltzkowi Weise, une espèce bisexuée commune en Afrique subsaharienne. Au terme d’analyses génétiques, ils ont montré la similarité des individus des deux populations et écarté la polyploïdisation et l’hybridation comme mécanismes déclencheurs de la parthénogenèse chez ces coccinelles, alors qu’ils en sont fréquemment responsables dans d’autres cas. Par contre, les caryotypes des individus des deux populations ont manifestement subi des réarrangements chromosomiques (fusions Robertsoniennes). Par ailleurs, ces individus parthénogénétiques sont également infectés par la bactérie Wolbachia, capable d’induire la parthénogenèse chez des organismes haplodiploïdes, et suspectée de pouvoir le faire chez des diplodiploïdes, comme les coléoptères. Remaniements chromosomiques et / ou infection par Wolbachia pourraient être des phénomènes post-parthénogenèse, mais les auteurs n’excluent pas la possibilité qu’ils se trouvent à l’origine même de la reproduction asexuée chez ces coccinelles.

 

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Réference

First case of parthenogenesis in ladybirds (Coleoptera: Coccinellidae) suggests new mechanisms for the evolution of asexual reproductionAlexandra Magro, Emilie Lecompte, Jean‐Louis Hemptinne, Antonio O. Soares, Anne‐Marie Dutrillaux, Jérôme Murienne, Helmut Fürsch & Bernard Dutrillaux,  Journal of Zoological Systematics and Evolutionary Research, Nov. 2019.

Source INEE CNRS