Les prédateurs exercent une forte influence directe sur la distribution, l’abondance et le comportement de leurs proies. Ils exercent également une influence indirecte sur les ressources dont se nourrissent les proies. En effet, si les proies sont plus rares suite à la prédation, il se peut que leur nourriture devienne plus abondante. Cette influence indirecte est appelée « cascade trophique ». Elle façonne la structure et le fonctionnement des populations et des communautés aquatiques et terrestres. Beaucoup d’études ont montré que l’intensité de la cascade trophique variait d’un écosystème à un autre. Nous avons longtemps cru que l’identité des espèces en interaction, et en conséquence la valeur moyenne de leurs traits phénotypiques, étaient des informations suffisantes pour comprendre le fonctionnement de la communauté. Néanmoins, cette approche ignore la variabilité intraspécifique des traits dont on connait par ailleurs toute l’importance dans le processus d’évolution.
Afin d’explorer l’influence de la variabilité intraspécifique des traits sur le fonctionnement d’une cascade trophique, des chercheurs du Laboratoire Évolution et Diversité Biologique de Toulouse (EDB – CNRS/Univ. Toulouse III Paul Sabatier/IRD), en collaboration avec des scientifiques des laboratoires RECOVER (INRAE/ Univ. Aix-Marseille), IGEPP (INRAE/Univ. Rennes 1/Agrocampus ouest) et du CRIOBE (CNRS/Univ. Perpignan) ont réalisé une étude expérimentale en utilisant des larves de coccinelles (Harmonia axyridis) comme prédateurs, des pucerons du pois (Acyrthosiphon pisum) comme herbivores et enfin des fèves des marais (Vicia faba) comme plantes-hôtes pour les pucerons. Dans cette expérience, la variabilité intraspécifique a été introduite par l’intermédiaire des pucerons avec l’utilisation successive des individus issus de trois lignées génétiques adaptées à la luzerne et de trois lignées adaptées au trèfle. Les pucerons de chaque lignée ont été élevés sur des jeunes fèves en présence de larves de coccinelles. Ce dispositif a permis de vérifier si l’intensité de la cascade trophique variait en fonction des lignées de pucerons, de la spécialisation à la luzerne ou au trèfle, et du nombre de pucerons par plante.